30.03.2018

Radicalisation religieuse dans les espaces carcéraux : Des chercheurs conseillent le désengorgement des prisons sénégalaises

Le gouvernement sénégalais est invité à prendre des mesures idoines pour éviter que l’univers carcéral ne devienne un incubateur de la radicalisation religieuse. Une recommandation, parmi d’autres, faite hier lors de la présentation de l’étude « Visages de la radicalisation religieuse dans les espaces carcéraux africains » par le Bureau Paix et Sécurité Centre de Compétence Afrique subsaharienne de la Friedrich Ebert Stiftung (FES) au WARC.

La publication de l’étude « Visages de la radicalisation religieuse dans les espaces carcéraux africains », réalisée par le socio-anthropologue Sylvain Landry Faye, en collaboration avec la Fondation Friedrich Ebert, a pour objectif majeur d’encourager les dirigeants africains à la définition de nouvelles stratégies pour une meilleure prise en charge d’une catégorie spéciale de détenus, « les jihadistes ». Leur emprisonnement exige un renouvellement de dispositifs de gestion et de gouvernance du milieu carcéral, dans la mesure où ils ont de plus en plus tendance à le transformer en agence de recrutement.

Si des écrits se font rares sur la thématique en Afrique en raison de l’absence de données qualitatives sur le terrorisme, l’étude lancée par le Bureau Paix et Sécurité Centre de Compétence Afrique subsaharienne de la FES a eu le mérite de toucher du doigt des interconnexions entre détenus et mouvements radicaux dans l’espace carcéral, accentuant les menaces qui pèsent de plus en plus sur l’Afrique. Holger Grimm, Directeur du bureau Paix et Sécurité, a souligné que « la présente publication fait partie d’une série élaborée par le bureau afin de comprendre et d’analyser la manière dont la radicalisation religieuse s’implante dans l’univers carcéral. Notre objectif est de contribuer à la mise en place de dispositifs efficaces de lutte contre ce phénomène ». Il a tenu à rappeler que le contexte carcéral est caractérisé par une concentration de personnes d’horizons divers, des développeurs de comportements déviants prêts à défier la société.

Des programmes de réinsertion sociale

Pour Oumar Ndongo, Professeur titulaire à l’Ucad et expert sur la question de la radicalisation en milieu carcéral qui a présenté les grandes lignes du document, nos Etats doivent s’atteler au désengorgement des prisons sénégalaises qui sont surpeuplées et sont en passe de devenir un terreau fertile de la radicalisation. L’étude qui sonne l’alerte ne se focalise pas sur les causes mais met l’accent sur les risques d’amplification si des mesures idoines ne sont pas prises. La faiblesse des programmes de réinsertion sociale pousse des individus souvent en rupture de contrat social à glisser sur ce terrain. Or, prévient le professeur qui s’appuie sur l’étude, « l’espace carcéral est devenu le lieu de rencontre entre les recruteurs ou mentors à la recherche d’esprits enclins à absorber certaines idées à la base du processus d’endoctrinement. La population jeune des prisons constitue un terreau fertile sensible aux idéologies véhiculées par ces jihadistes dans ces lieux de détention transformés en agence de recrutement ».

Il a souligné, qu’en dehors des facteurs socio-économiques, cette situation est facilitée par la faiblesse du programme de réinsertion sociale disponible dans les prisons africaines, et le contexte de quasi abandon dans lequel se trouve le détenu ». Les Etats africains sont mis devant leurs responsabilités dans la mesure où, selon le professeur, « l’espace carcéral est un espace d’interactions et d’échanges à surveiller de très près avant le durcissement des positions, des motivations d’engagement et de radicalisme ».

Construction d’une nouvelle prison

Si le gouvernement sénégalais est considéré comme pionner dans l’anticipation du phénomène de radicalisation en isolant les détenus qui sont présumés appartenir à des réseaux jihadistes, il est toujours confronté à de multiples défis. Il est invité à accentuer les efforts avec la construction de nouvelles prisons, la réforme de la justice en vue d’améliorer les conditions de détention, le partage du renseignement pénitentiaire actualisé, la mise en place d’un outil de classement pour prévenir des influences radicales, le classement des détenus par un dispositif de détection permanent, le renouvellement de la formation pénitentiaire pour s’adapter aux enjeux de la radicalisation. Pour l’inspecteur Serigne Thiao, chef de la division de la sécurité pénitentiaire à la Direction de l’Administration pénitentiaire, le Sénégal s’est bien inscrit dans ce processus de déradicalisation. « L’Etat a prévu de construire une prison à Sébikotane car cela demeure un impératif à cause de la surpopulation carcérale qui n’est pas sans conséquence majeure. Mais il faut noter qu’il nous est difficile d’avoir un système de classification en l’absence d’un établissement d’accueil ».

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