Tuesday, 20.11.2012 - Thursday, 22.11.2012 - Abuja, Nigeria

Perspectives à long terme sur la sécurité dans le Sahel

Depuis le coup d’Etat au Mali en mars 2011, il semble que la Communauté internationale ait reconnu l’importance de cette région qui avait été laissée à son propre sort dans le passé. Un sous-développement structurel accentué et de vastes zones désertiques sans loi marquent cette région qui est maintenant devenue l’épicentre des activités terroristes et des crimes organisés. Malgré le fait que la Communauté internationale exerce des pressions pour trouver une solution, un examen plus attentif des engagements antérieurs révèle que la résolution des conflits par les acteurs internationaux repose souvent sur des considérations à court terme et sur des intérêts partisans. Une simple réponse militaire face au problème dans le nord du Mali ne conduira probablement pas à une paix durable dans la région. C’est pourquoi la FES a organisé ce Dialogue d’Abuja qui s’est tenu au Collège de la Défense Nationale (National Defence College - NDC) du 20 au 22 novembre à Abuja au Nigeria, afin de se pencher sérieusement sur les perspectives à long terme et sur les causes profondes de l’insécurité dans la région.

Définir une option axée sur la société civile afin de résoudre la question sécuritaire dans le Sahel

« La coopération internationale est beaucoup trop importante pour être laissée aux seuls gouvernants », a déclaré une fois le premier Chancelier social-démocrate allemand, Wiliy Brandt, et cette déclaration constitue toujours le principal moteur du travail international de la FES. Dans ce contexte, le Dialogue d’Abuja intitulé « Le sahel en situation de crise : perspectives à long terme sur la sécurité en Afrique du Nord et en Afrique de l’Ouest » a été organisé pour créer une plateforme permettant aux acteurs de la société civile de la région d’échanger leurs points de vue sur cette question. Pour ce faire, une trentaine d’experts et de praticiens issus du monde universitaire et des zones de travail concernées de l’Afrique du Nord et de l’Ouest ainsi que de l’Europe ont été invités à participer à la méthode axée sur l’élaboration de scénario.

Le but de la technique d’élaboration de scénario est de créer un système visuel des facteurs influents pour les 20 prochaines années. Les scénarios sont définis comme étant de futurs évènements plausibles qui générés sur la base de l’analyse des conditions actuelles. L’approche a été réalisée en trois phases : premièrement, tous les facteurs clés causant l’insécurité dans la région ont été identifiés. Deuxièmement, les relations entre les facteurs clés ont été qualifiées. Enfin, les possibles développements futurs de chaque facteur clé ont été analysés de manière négative et positive. Afin d’assurer une application appropriée de la méthodologie, Björn Kulp qui est spécialiste de la technique des scénarios a été invité à modérer la conférence qui a duré trois jours.

Principaux facteurs d’insécurité dans la région

Il est apparu rapidement que M. Kulp et les modérateurs des quatre groupes de travail auraient du mal à faciliter les séances de discussion. Les participants étaient très énergiques et leurs connaissances approfondies du domaine sécuritaire ont parfois rendu difficile le compromis sur certains facteurs clés et leur description exacte. Cependant, à l’issue des échanges, ils ont convenu d’un catalogue comprenant neuf facteurs clés identifiés comme étant les principales sources d’insécurité dans la région du Sahel.

La Criminalité Transnationale Organisée (CTO) constitue l’une des causes cruciales de l’insécurité. Cette catégorie couvre les activités criminelles telles que le blanchiment d’argent, les armes, les drogues et la traite des êtres humains, etc. La gouvernance politique est décrite comme étant le deuxième facteur clé qui couvre les aspects suivants : le leadership politique, l’incapacité à assurer des processus électoraux justes, des services éducatifs et la gestion des conflits. Les conflits socio-économiques et le terrorisme ont été dépeints comme étant un autre aspect central de l’insécurité. En outre, les influences des puissances extérieures et extra-régionales et les conséquences de la mondialisation ont été inscrites sous le titre de compétition géopolitique. Les défis environnementaux ainsi que le facteur démographique, surtout en ce qui concerne l’explosion de la population jeune, sont d’autres éléments influençant la paix sociale dans la région du Sahel. En complément, les experts de la conférence considèrent l’énergie et les autres ressources naturelles comme une force motrice à part entière ayant un potentiel de conflit et qui peut de ce fait influer sur les relations de pouvoir et les politiques. Les héritages historiques comme la colonisation et les faibles institutions et capacités sont illustrés comme étant les deux autres facteurs clés de l’insécurité. Enfin et surtout, la «maladie chronique» de la région qu’est la corruption a été décrite comme une source d’insécurité à part entière. Lutter contre les « incendies » au lieu de les prévenir

Pendant ces journées de travail intense, les experts ont échangé beaucoup d’opinions. Par exemple, il a été établi que la résolution des conflits en Afrique est plus réactive que proactive, ce qui a été particulièrement critiqué par les praticiens. Ils considèrent l’absence de gestion des conflits comme une source d’insécurité qui peut causer des problèmes à long terme. Cependant, la majorité a fini par accepter que l’on incorpore la résolution des conflits dans le cadre de la gouvernance politique. En outre, la gouvernance politique a été un point important de discussion. Par exemple, les experts ont discuté de la question de savoir si le leadership est un facteur à part entière ou s’il fait partie de la gouvernance politique. Ou bien est-il plus adéquat de dire seulement « gouvernance » pour que les acteurs privés puissent se faire comprendre?

Les héritages historiques constituent un autre facteur clé qui a engagé les experts dans une longue discussion. La question était de savoir si le passé constitue ou non une variable causale de l’insécurité et de la mauvaise gouvernance dans la région. Pour ceux qui soutenaient que les héritages historiques constituent un facteur clé d’insécurité, la mauvaise gouvernance dans la plupart des États africains est le fait des puissances coloniales qui ont créé ces États dans la période post-coloniale des années 1960. Et comme conséquence de ce passé, les institutions étatiques ne servent pas les peuples, car ils ont été exclus du processus de création. D’autres étaient plus d’avis que ce sont les sociétés africaines qui doivent prendre conscience de leurs obligations en tant que citoyens. Aucun héritage colonial ne peut expliquer le fait que des gens libres autorisent des dirigeants autoritaires à gouverner leurs sociétés. Cet argument suggère une approche plus «pratique» vis-à-vis du passé et vise à surmonter la victimisation afin de devenir plus proactif envers le présent et l’avenir. Développer des visions pour la région Les scénarios bruts, fondés sur les facteurs clés, ont mis en évidence un autre aspect : l’Afrique du Nord et l’Afrique de l’Ouest ont beaucoup de potentialités qui peuvent être converties en développement positif, mais aussi en développement négatif. Par exemple le facteur démographique marqué par un taux élevé de la population jeune. Lorsqu’il y a un accès à l’éducation, à la santé et à l’emploi, ce facteur peut se transformer en une force productive qui peut mener à l’industrialisation et à la création de richesses à l’avenir. Mais si la situation ne change pas ou si elle se détériore davantage, il est très probable que les taux de criminalité augmentent, créant ainsi des terreaux fertiles pour le terrorisme et les gangs de jeunes, ce qui établira des espaces d’anarchie.

À la fin du Dialogue d’Abuja, les organisateurs et les participants ont été satisfaits des conclusions de la conférence. La Fondation FES s’est engagée à poursuivre le processus et à raréfier les scénarios futurs plausibles afin d’avoir une idée plus précise et plus détaillée sur l’avenir sur une vingtaine d’années au Sahel, aussi bien négativement que positivement. Par conséquent, tous les participants ont été invités à se joindre au processus en 2013.

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