Tuesday, 14.05.2024 - Wednesday, 15.05.2024 - Dakar - Sénégal

5ème édition Dialogue du Sahel-Sahara « Entre fragilités hybrides et agendas internationaux compétitifs au Sahel : quelles sont les perspectives envisageables pour la région ?»

Du 14 au 15 Mai 2024, s’est tenue à Dakar (Sénégal), la cinquième édition de la conférence régionale Dialogue du Sahel-Sahara organisée par le bureau Paix et Sécurité Centre de Compétence Afrique Subsaharienne de la Friedrich Ebert Stiftung (FES PSCC) sur le thème « Entre fragilités hybrides et agendas internationaux compétitifs au Sahel : quelles sont les perspectives envisageables pour la région ?». Cette 5ème édition du Dialogue a été l’occasion d’établir un cadre permanent de dialogue entre les pays de la région pour une meilleure sécurité collective (Sahel-Maghreb-Golfe de Guinée) qui s’adapte aux évolutions actuelles de l’insécurité vers la région voisine du golfe de Guinée, de partager des expériences de résilience pertinentes et efficaces face à l’insécurité, et de produire des recommandations stratégiques et réalisables. Etaient présents à cette rencontre régionale des experts, universitaires, représentant d’organisations sous-régionale, internationale et de la société civile ainsi que des représentants d’institutions étatiques et des forces de défense et de sécurité de dix (10) pays du Sahel, du Maghreb, d’Afrique de l’Ouest et du Golfe de Guinée pour des discussions inclusives et progressistes face aux enjeux sécuritaires communs.

Le Sahel traverse depuis plusieurs années une crise multidimensionnelle qui secoue et fragilise les fondements des États de la région. S’y ajoutent, depuis 2020, les coups d’État militaires successifs au Sahel central (Mali, Burkina Faso, Niger). Cette détérioration sécuritaire se déroule également dans un contexte géopolitique marqué par la forte présence d’acteurs extérieurs concurrents aux velléités antagoniques.

Immense territoire riche en minerais la région du Sahel intéresse plusieurs puissances étrangères (Chine, France, Russie, USA, UE, entre autres), qui redoutent une dégradation de sa situation sécuritaire, source de menaces pour leur propre sécurité interne mais également une mainmise par les djihadistes et les puissances concurrentes sur les principales ressources stratégiques comme l’uranium, entre autres. La région revêt une valeur géostratégique qui justifie la forte présence des puissances occidentales pour renforcer leur positionnement géopolitique et stratégique dans « le combat mondial » contre l’extrémisme violent que les Etats sahéliens ont du mal à remporter, car leurs forces de défense et de sécurité ne sont ni préparées, ni équipées pour y faire face.

Cependant, malgré les réponses sécuritaires développées depuis plus d’une décennie et en dépit de la forte présence des puissances étrangères au Sahel, l’expansion des djihadistes, qui avait connu un déclin relatif en 2013, s’est poursuivie au cours des dernières années. Les groupes terroristes se sont réorganisés, ont étendu leur champ d’intervention et développé de nouveaux modes opératoires. En janvier 2023, le Bureau des Nations unies pour l’Afrique de l’Ouest et le Sahel (UNOWAS) faisait état d’une détérioration du contexte sécuritaire et d’une situation humanitaire désastreuse au Sahel. La représentante spéciale de l’ONU pour la région constatait que le Sahel continue « de faire face à des défis multidimensionnels, à des niveaux sans précédent d’insécurité et de défis humanitaires, à une instabilité sociopolitique, aggravée par l’impact du changement climatique, et à une insécurité alimentaire exacerbée par le conflit en Ukraine ». En plus, les crises gouvernementales et anticonstitutionnelles ont un impact politique, sécuritaire, économique et social sur la stabilité de la région et les pays voisins. Selon l’indice de fragilité des États, les pays du Sahel figurent parmi les 25 États les plus fragiles. La plupart de ces gouvernements ne sont pas en mesure de contrôler leur territoire. Au Burkina Faso, par exemple, les groupes armés islamistes contrôleraient jusqu’à 40 % du territoire. Malgré le « soutien » du groupe Wagner au gouvernement malien, l’État islamique a doublé son territoire dans ce pays. Au Niger, qui était considéré sous peu comme une exception, la situation se dégrade de plus en plus depuis le coup d’état militaire du 26 juillet 2023.

Le caractère transnational et hybride des menaces et défis à la sécurité et la stabilité au Sahel ainsi que leur rapide extension régionale appellent donc une réponse globale et coordonnée de la part des Etats de cette région et l’intégration de toutes les catégories d’acteurs pour y répondre efficacement.

Au cours des différents panels les participants, ont non seulement analysé les problèmes mais ils ont aussi élaboré des recommandations en tenant compte du contexte géopolitique et de ses ramifications sur la politique régionale et la coopération au Sahel.

Les panels de la conférence ont respectivement porté sur les thèmes ci-après :

  1. Dynamiques sécuritaires au Sahel : entre fragilités internes et influences étrangères exacerbées.
  2. Le Sahel, champ d’expérimentation d’une nouvelle forme de sécurité collective ?
  3. Sécurité participative : pour une meilleure implication des acteurs non-étatiques aux processus de paix au Sahel.
  4. Processus électoraux et stabilité en contextes de transitions politiques : cas de la région du Sahel.
  5. Les perspectives d’une paix durable au Sahel : quelles solutions intégrées pour juguler l’instabilité et l’insécurité dans la région ?

Les échanges et discussions ont mis en exergue plusieurs points et recommandations.

D’abord, la crise sahélienne se déroule dans un environnement international présentement dominé par les conflits Russie-Ukraine et Israël-Hamas, qui accaparent l’essentiel de l’attention et des ressources de la communauté internationale. Cependant, il serait aberrant de la considérer comme une crise mineure, au vu de sa complexité, notamment son caractère multidimensionnel, intégrant des aspects sécuritaires multiformes, humanitaires, socio-économiques, politiques, culturels, voire religieux, de son amplitude géographique, sa longévité et de la multiplicité et la variété tant des acteurs que des solutions préconisées pour y mettre un terme.

Ensuite, le Sahel est un espace dans lequel les territoires des différents Etats qui le composent forment des continuités géographiques où les solidarités ethniques sont très solides. Fragilisé par des facteurs internes et externes, le terrorisme et l’extrémisme violent, en net recul dans plusieurs parties du monde, y sont fortement ancrés. Plusieurs groupes liés au labels internationaux du phénomène terroriste, fortement liés entre eux, ainsi qu’avec les milieux du crime organisé, écument la région.  Leur action est à l’origine de la destruction de plusieurs milliers de vies humaines et de biens privés et publics avec les conséquences humanitaires désastreuses qui en découlent. Il y est également observé une remise en cause des valeurs démocratiques, dont la région était, il y a quelques années encore, le porte-étendard sur le continent. Les ruptures d’ordre constitutionnels par des agents des forces de défense et de sécurité surviennent dans plusieurs Etats sahéliens, et il y est également noté un recul très marqué de l’unité nationale, la tribalisation progressive des appareils étatiques devenant une pratique courante. Les partenaires traditionnels de coopération y sont rejetés au profit de nouveaux, qualifiés de « partenaires alternatifs », qui s’impliquent dans la fourniture d’équipements militaires et l’application opérationnelle de la réponse antiterroriste notamment.

Cependant, en ce qui concerne les Etats du Sahel central, Burkina Faso, Mali et Niger, il sied de noter que, nonobstant le fait qu’ils partagent les caractéristiques énumérées supra, leurs contextes nationaux ne sont pas uniformes. Les préoccupations sur les plans sécuritaire, socio-économique, politique, et humanitaire diffèrent d’un pays à l’autre. A titre d’illustration, sur le plan sécuritaire la reconfiguration des groupes armés rebelles et leurs accointances de plus en plus notoires avec les groupes terroristes, leur changement de doctrine et de zone d’action créent au Mali un contexte particulier, qui diffère fortement avec ceux du Burkina Faso et Niger voisins. Il en va de même des contextes socio-économiques, politiques et humanitaires.

Enfin il est utile, pour une meilleure perception de la crise au Sahel, de considérer la région comme un continuum du Maghreb, les deux régions ayant en commun des populations avec leurs traditions et modes de vie, et partageant, de nos jours, les mêmes défis.

Cette lecture partagée de la situation au Sahel a permis de déterminer quelques mesures censées améliorer la situation générale. Celles-ci sont les suivantes :

  • Rendre visible la crise sahélienne en informant et sensibilisant sur le danger que constituent sa persistance et son aggravation, et sur ses effets au plan local, régional et international.
  • Appréhender la crise sahélienne dans toute sa complexité, tout en considérant les spécificités contextuelles nationales, et les liens étroits qui unissent la région au Maghreb.
  • Prendre en compte les intérêts des communautés, des Etats du Sahel, du Maghreb, ainsi que ceux des acteurs extérieurs à ces régions.
  • Retourner à l’ordre constitutionnel et de renforcer les institutions démocratiques, grâce à la promotion et mise en œuvre de processus politiques pacifiques.
  • Mettre en place une gouvernance partagée et décentralisée.
  • Créer et maintenir un lien symbiotique entre le développement, la paix et la démocratie.
  • Concevoir des modèles politiques endogènes.
  • Privilégier les solutions politiques et les faire accompagner par des opérations militaires.

Friedrich-Ebert-Stiftung
Paix et Sécurité Centre de Compétence Afrique Subsaharienne

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