Atelier national de renforcement des capacités des jeunes dans le cadre de leur participation à la promotion de la paix

Le Sahel a l’une des populations les plus jeunes du monde. Cet avantage démographique lui offre d’énormes opportunités d’innovation, de croissance économique et de développement. Et face à la recrudescence de crises multidimensionnelles, ces jeunes peuvent être porteurs d’initiatives pour la stabilité de la région. Au cœur du Sahel, le Mali traverse depuis Mars 2012 une instabilité et une insécurité profondes qui se manifeste par le déplacement massif des populations, la destruction des symboles de l’Etat, l’arrêt sine die de toute activité économique dans les zones où sévissent les conflits armés, les conflits intra et intercommunautaires etc. Dans cette nébuleuse turbulence les jeunes constituent la couche la plus exposée autant sur le plan, économique, social que sécuritaire.

Dans ce cadre, l’Etat du Mali qui est engagé sur le chemin de la sécurisation de son territoire et du rétablissement de la paix et la réconciliation nationale, a besoin de l’ensemble de ses forces vives y compris les jeunes. Cette catégorie qui constitue la grande majorité de la population, représente une véritable force de proposition de solutions aux défis majeurs du Mali notamment en matière de promotion de la paix et de la gouvernance démocratique dans ces situations de crise multidimensionnelle.

L’appropriation de la paix par les jeunes, est gage de sa durabilité car les jeunes sont des acteurs principaux de la paix. Ainsi le Mali s’inscrit dans une vision intégrée des organisations internationales (ONU, Union Africaine) concernant la place et le rôle de la jeunesse dans le processus de la paix au regard d’un riche cadre normatif comme la Résolution 2250 du Conseil de sécurité des Nations Unies sur la jeunesse, la paix et la sécurité, l’Acte constitutif de l'Union Africaine reconnaissant expressément la jeunesse comme un partenaire important pour renforcer la solidarité et la cohésion entre "nos peuples" et  l’Article 17 de la Charte africaine de la jeunesse qui met l’accent sur le rôle de la jeunesse dans la promotion de la paix et de la sécurité en Afrique. C’est fort de cela que le Département Paix et Sécurité de l'UA a initié et mis en œuvre le Programme Afrique Jeunesse pour la Paix en 2018 avec pour objectif principal et d'impliquer la jeunesse Africaine dans les questions de paix et de sécurité.

Malgré ces nombreux mécanismes régionaux et internationaux sur la participation des jeunes aux efforts de paix force est de constater que cette catégorie d’acteurs non négligeables est souvent reléguée au second plan dans les prises de décisions politiques, économiques, sociales et sécuritaires afin d’assurer une stabilité et une paix durable.

Comme pour attirer au mieux l’attention de l’humanité sur les rôles clés de la jeunesse dans les questions primordiales qui touchent à l’humanité, l’Assemblée Générale de l’ONU a adopté le 20 septembre 2024 un nouveau document dénommé Le Pacte de l’avenir qui consacre une place essentielle aux jeunes à travers ses Axes II, III et IV et qui vient renforcer la Résolution 2250.

Au regard de ce qui précède, FES PSCC a initié depuis 2022 le Programme Jeunesse engagée pour la stabilité au Sahel pour un plus grand rôle et une meilleure contribution des jeunes à la paix et la stabilité de cette région. Dans ce cadre, les membres dudit programme résidents au Mali en collaboration avec l’appui du bureau FES PSCC, ont organisé le présent atelier au tour du thème « Paix et réconciliation au Mali, quelle responsabilité des jeunes dans le processus ? » pour engager la jeunesse malienne dans le processus de la paix et la réconciliation au Mali et pouvoir jouer un rôle actif dans la définition des stratégies futures.

L’atelier a été animé et facilité par des experts du Ministère des Affaires étrangères et de la Coopération Internationale, du Ministère de la jeunesse et des Sports et des spécialistes tels que Baba DOKONO, Secrétaire exécutif  de l’Observatoire Citoyen sur la Gouvernance et la Sécurité du Mali, Hamed Salif CAMARA, Directeur Général   du centre national de la promotion du volontariat, Hawa BANE Directrice Recherche et Innovations à la Fondation Tuwindi, Attaher MAÏGA, Directeur adjoint du Centre d’Analyse et de Recherche de l’Espace Sahelo-Saharien. Cette rencontre a été l’occasion de renforcer les capacités des jeunes, d’analyser et d’identifier les défis à leur participation optimale dans initiatives de paix et de sécurité ; et de proposer des pistes d’action ou passerelles pour une meilleure implication et intégration des jeunes à tous les niveaux dans les processus de paix au Mali.

Les travaux de l’atelier ont consisté dans un premier temps en des sessions de formation pour renforcer les capacités des jeunes, suivies dans un second temps par des travaux pratiques. Plusieurs thématiques ont été abordées par des spécialistes et experts pour doter les jeunes de connaissances et de l’expertise nécessaires pour jouer efficacement leur rôle de vecteur de la paix et de la cohésion sociale au Mali :

• Etat des lieux de la crise sécuritaire au sahel et au Mali : genèse, enjeux et impacts sur la jeunesse.
• Appropriation des mécanismes régionaux et internationaux notamment le Pacte pour l’avenir de l’ONU sur la place et le rôle des jeunes dans les questions de paix et de sécurité ?
• Les mécanismes de veille citoyenne : quelle appropriation par les jeunes maliennes et maliens pour optimiser leur participation aux prises de décisions ?
• Accès aux nouvelles technologies de l’information et de la communication : quelle opportunité pour la jeunesse malienne pour être des acteurs de l’éducation à la paix ?
• Paix et réconciliation au Mali : quelles contributions de la jeunesse malienne ?

Les discussions, échanges et partages d’expérience ont mis l’accent sur les impacts de la crise sur la jeunesse en termes de formation, d’emploi et de menace existentielle pour les générations futures. Au regard des impacts, l’implication des jeunes en tant qu’acteurs de résolution a été mise en évidence.

Les débats ont également porté sur les questions en rapport avec : le faible niveau de scolarisation des jeunes, le conflit au centre du pays, la force en attente de la CEDEAO, les relations entre l’Alliance des Etats du Sahel et la CEDEAO, le rôle des jeunes dans le processus de signature des accords locaux avec les groupes armés, la place de l’Algérie et la Mauritanie dans la stabilisation du Mali. Les participants ont accepté de se constituer en pool de jeunes acteurs de paix. Ils souhaitent une consolidation du pool à travers le renforcement de leur capacité en politique, en prévention des conflits et médiation communautaire afin d’être des ambassadeurs de paix. Ils se sont engagés à changer les perceptions autour des jeunes en faisant d’eux une solution au lieu d’être vue comme un problème avec l’accompagnement des autorités et l’appui des partenaires internes comme externes.

A l'issue des travaux de groupes quelques actions concrètes ont été proposées que les jeunes sont prêts à porter comme contribution à la promotion d’une paix, d'une cohésion sociale et d'un développement durables au Mali.

• Créer une synergie d’actions des associations et autres regroupements de jeunes en faveur de la paix.
• Créer un cadre d’échange entre les autorités locales et toutes les couches de la société sur le processus de la paix.
• Contribuer à la vulgarisation du Programme National d’Education aux Valeur PNEV et organiser des rencontres intra et intercommunautaires dans les régions du nord et du centre.
• Créer des Groupes de Recherches Action pour la Paix dans chaque localité (à travers des structures de jeunes :  associations, jeunesse de village…) pour promouvoir la paix et la cohésion sociale en faisant des recherches sur les dynamiques conflictuelles et les facteurs de résilience.
• Mettre en place un observatoire académique digital pour permettre aux jeunes d’acquérir des compétences pouvant favoriser leur employabilité.
• Créer une synergie d’actions des associations et autres regroupements de jeunes pour porter des projets communs en faveur du développement durable.
• Mener des activités de résilience face au changement climatique, comme la sensibilisation sur la nécessité de reconversion des emplois bruns aux emplois verts.

Pour y arriver les jeunes ont recommandé entre autres :

• Un accompagnement et une facilitation par les autorités dans la mise en œuvre des actions que les jeunes veulent porter dans le cadre de la promotion de la paix, la cohésion sociale pour une développement durable au Mali.
• Demander aux autorités de prendre des initiatives visant à renforcer la collaboration entre les forces de défense et de sécurité et les jeunes.
• Une multiplication des cadres d’échange entre les jeunes sur leur responsabilité dans le processus de la paix, de la réconciliation et leur participation au développement durable ;
• Une vulgarisation des politiques nationales concernant les jeunes et leur implication dans la vie de la nation.
• Une vulgarisation des instruments régionaux et internationaux sur l’implication des jeunes dans les processus de la paix et la stabilité et mettre en application les dispositions de ces instruments.
• Un soutien des initiatives des organisations de jeunesse pour la promotion de la paix, de la cohésion sociale et de l’intégration des pays du Sahel.
• Une intégration de la culture de la paix et du vivre ensemble dans les programmes scolaires à tous les niveaux d’étude au Mali.
• Déterminer une feuille de route annuelle pour les organisations de jeunesse évoluant dans le cadre de la paix et de la stabilité en vue d’avoir des actions concrètes et coordonnées en faveur de la paix, la cohésion sociale et le développement durable.
• Entreprendre des actions pour accompagner les jeunes leaders pour une médiation dans le cadre des résolutions des conflits locaux.
• Poser des actions pour le retour aux valeurs traditionnelles maliennes.
• Développer et encourager les initiatives de création d’entreprises vertes ou écologiques.