Thursday, 28.03.2024 - PSCC Talk - Zoom

Présentation des résultats du Policy Paper sur « Promouvoir une sécurité et une stabilité durables au Sahel : quelles perspectives pour le Niger au lendemain du coup d’Etat militaire ?

Dans le cadre de ses conférences virtuelles dénommées « PSCC Talk » le bureau Paix et Sécurité Centre de Compétence Afrique Subsaharienne de la Fondation Friedrich Ebert (FES PSCC) Dakar a organisé le Jeudi 28 mars 2024 une conférence virtuelle pour présenter les résultats du Policy Paper sur le thème « Promouvoir une sécurité et une stabilité durables au Sahel : quelles perspectives pour le Niger au lendemain du coup d’Etat militaire ? ». Les résultants du Policy Paper ont été vulgarisés, discutés et commentés par plus de 40 experts, chercheurs, membres d’OSC, représentants d’institutions régionales et de forces de défense et de sécurité, du Sahel, d’Afrique de l’Ouest, du continent africain et d’Europe.

Depuis plusieurs années le Niger fait face à un défi sécuritaire d’une ampleur et d’une durée inédites. Le pays doit affronter le groupe djihadiste Boko Haram dans la région de Diffa et faire face aux activistes des groupes armés terroristes établis dans le nord du Mali (État islamique au Grand Sahara et le Groupe de soutien à l’Islam et aux musulmans). Le Niger doit aussi surveiller de très près sa frontière nord, commune avec la Libye où un trafic lucratif d’armes de guerre s’est développé dans la région d’Agadez ainsi que la criminalité transfrontalière dans la région de Maradi. Signe de l’ampleur du défi sécuritaire au Niger : trois régions (Diffa, Tahoua et Tillabéry), sur huit, sont placées sous l’état d’urgence depuis 2015.

Mais, bien qu’il soit plus exposé et même plus vaste que le Burkina Faso et le Mali, le Niger affiche une situation sécuritaire moins dégradée que ses deux voisins. Derrière cette résilience, apparaît d’abord la bonne stabilité politique du pays marquée par le scrutin présidentiel de décembre 2020 qui a certes connu une forte contestation, mais qui ne s’est jamais transformée en vraie crise postélectorale. L’arrivée au pouvoir du président Mohamed Bazoum, renversé le 26 juillet 2023, s’est par ailleurs accompagnée d’une décrispation des rapports entre le pouvoir et l’opposition à travers, notamment, la reprise des activités du Conseil national du dialogue politique (CNDP), ainsi que la libération des personnalités politiques incarcérées pour leur responsabilité présumée dans les violences postélectorales de février 2021.

Outre la stabilité politique, la résilience du Niger s’explique surtout par la forte cohésion sociale entre les neuf groupes ethnolinguistiques du pays. Sur la base des enseignements tirés de la rébellion 1991-1995 et de celle de 2007 avec le Mouvement des Nigériens pour la justice (MNJ), le Niger a réussi une parfaite et solide intégration de la communauté touarègue dans l’appareil d’État. Ce qui expliquerait, entre autres, pourquoi le Niger, à la différence du Mali, n’a pas connu de rébellion armée après la chute, en novembre 2011, de Mouamar Kadhafi en Libye et le retour des milliers de combattants touaregs nigériens. Plus récemment, la signature en janvier 2023, de l’Accord de paix intercommunautaire de Banibangou, dans le nord-ouest sur la zone des trois frontières et la réussite du programme Repentir contre Pardon, qui a permis de démobiliser des dizaines de combattants de Boko Haram, sont venus attester de l’enjeu de la cohésion sociale au Niger.

Autant de facteurs qui ont permis au Niger de bâtir une vraie résilience, mais surtout de devenir le pôle privilégié des interventions occidentales au Sahel. Près de 1100 soldats américains sont stationnés au Niger, répartis entre Agadez, Niamey et Ouallam. Environ 1500 soldats français étaient déployés jusqu’au coup d’État du 26 juillet au Niger où l’Union européenne, prévoyait, outre Eucap sahel Niger, de déployer une mission de formation militaire sous le nom de European training mission (EUTM-Niger).

Dans ce contexte, le coup d’État du 26 juillet 2023 par le CNSP, a été accueilli avec surprise. À l’analyser de près, il ouvre une nouvelle ère d’incertitudes au Niger laissant envisager plusieurs scénarios.

La conférence animée par Dr.  Seidik ABBA, spécialiste du Sahel et du bassin du Lac Tchad, Président du Centre international de réflexions et d’études sur le Sahel, et Dr. Aliou LY de IPSA-Afrique a été l’occasion d’analyser les contours du débat sur une meilleure implication et intégration des femmes à tous les niveaux dans les processus de paix pour une région du Sahel davantage stable et sûre.

Les discussions modérées par Pr. Moussa HAMIDOU TALIBI, Professeur Titulaire des universités (CAMES), Directeur Général des Enseignements (Niger), ont porté sur :

  1. Le cap que les militaires du CNSP au pouvoir comptent prendre ?
  2. La durée de la transition et l’agenda de la période transitoire ?
  3. Les incidences du coup d’Etat au Niger sur la stabilité régionale, après la création entre le Burkina Faso, le Mali et le Niger de « l’Alliance des États du Sahel (AES) » ?
  4. L’avenir de la lutte contre le terrorisme au Sahel ?
  5. L’opportunité que représente de facto une telle situation pour les groupes armés terroristes ?

Les échanges ont dressé de manière unanime un certain nombre de constats :

  • La survenue de trois évènements majeurs : le retrait du Niger de la CEDEAO, la levée des sanctions contre le Niger par la CEDEAO, la dénonciation de la présence militaire des USA par la junte le 16 mars 2024 après le retrait du dernier solda français sur le sol Nigérien.
  • La dégradation de la situation sécuritaire avec de plus en plus de victimes et une répétition des actes terroristes.
  • Un affaiblissement de l’enthousiasme post-coup d’Etat sr la sécurité et la gouvernance avec un une certaine tiédeur entre le gouvernement et la population qui laisse croire en un début de divorce.
  • Un contexte marqué par des incertitudes : pas d’orientations claires ni de calendrier de la transition.
  • Le scénario d’une intervention militaire de la CEDEAO est totalement écarté.
  • Le scénario le plus plausible est que la transition soit dirigée par le Général TIANI.

En termes de perspectives il y a une crainte que la situation sécuritaire ne s’améliore pas dans l’immédiat. A court terme, la production pétrolière pourrait entrainer une amélioration des capacités d’investissement de l’Etat dans les secteurs sociaux essentiels (éducation, santé, énergie, etc.). A moyen terme, il pourrait y avoir une amélioration de la situation sécuritaire avec la création de l’AES et la mise en place d’une sécurité commune, même avec une coopération avec la Russie. A long terme, avec les progrès sécuritaires, le Niger pourrait envisager une amélioration significative de la croissance économique avec l’exploitation à long terme de la production pétrolière.

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