Qui sont les maîtres du Sahara? Vieux conflits, nouvelles menaces

Les conflits au Nord du Mali et dans la région du Sahara central sont de plus en plus complexes. La région a traditionnellement été une voie pour de nombreuses activités commerciales illégales telles que le trafic de drogues, d'armes, et d'êtres humains de l'Ouest et du Nord de l'Afrique vers l'Europe. Du fait de sa large superficie et de son inhospitalité, aucun des Etats voisins du Sahara central n'est en mesure de contrôler son territoire en entier. Cet état de fait a créé une zone sans surveillance et sans réglementation réelle et a, ainsi, rendu le Sahara central attractif pour les terroristes. Al Qaeda au Maghreb Islamique (AQMI) a acquis, au cours des dernières années, un ancrage non seulement en Afrique du Nord, mais également en Afrique de l'Ouest. Un ancien problème algérien est devenu le problème de toute une région. AQMI déstabilise la région d'un point de vue sécuritaire, mais également politique. Ces évolutions ont touché le plus le Mali à cause de ses faiblesses particulières.

Par exemple, le Mali est toujours dans le processus de résolution du vieux conflit Touareg. L'installation d'unités spéciales Touareg au sein de l'armée malienne est un signe positif qui montre que l'accord de paix de 2006 est en cours de mise en œuvre. De plus, l'Etat malien a encore un autre front à attaquer : sa déstabilisation à cause de la corruption, du crime organisé à beaucoup de niveaux de ses appareils étatiques et sécuritaires, deux états de fait qui sont souvent directement liés au trafic de drogue et d'armes légères dans la région. En effet, les frontières entre le crime organisé et le terrorisme sont devenus de plus en plus floues et menacent la stabilité de l'Etat malien.

Pendant que des experts supposent que le gouvernement malien manque d’une réelle volonté politique d'agir et, par conséquent, continue sa politique officieuse d'immobilisme, il y a eu des signes d'un possible changement de politique à cause de la pression croissante des Etats-Unis et de la France. En même temps, la nouvelle stratégie d'encouragement du développement économique et politique des régions du Nord est une étape positive étant donné qu’AQMI ne peut pas être combattu uniquement sur le plan militaire. Ce programme du gouvernement est également favorable à la mise en pratique de l'accord de paix. L'émergence d'AQMI a détourné l'attention internationale : à présent, l’accent est presqu’exclusivement mis sur le mouvement terroriste. Cependant, afin de comprendre la situation de conflit complexe au Nord Mali et dans la région du Sahara central, et de formuler des réponses appropriées, toutes les dissensions, les acteurs et les problèmes doivent être pris en compte car ils sont tous interconnectés.

Le conflit n'est pas simplement la conséquence d'une situation sécuritaire qui se détériore à cause d'AQMI. L'appui des pays de l'Ouest s'est, jusqu'à présent, plutôt focalisé sur le renforcement des capacités des forces de sécurité des pays du Sahara central. Ceci, cependant, n'est pas suffisant pour résoudre la situation de conflit complexe. Seule une approche inclusive qui prend en compte la nature complexe du système de conflit et qui est appuyé par des mécanismes régionaux et internationaux mènera à une situation vraiment pacifique au Nord Mali et dans le Sahara central.

Annette Lohmann (2011) : Qui sont les maîtres du Sahara? Vieux conflits, nouvelles menaces. Le Mali et le Sahara central entre les Touaregs, Al Qaeda et le crime organisé.