Réflexion sur le rôle de la Mauritanie dans la sécurité régionale

« La tête dans le Maghreb, les pieds au Sahel »
Au Sahel, l’évolution des défis sécuritaires est renforcée par des rivalités géopolitiques et une redéfinition des alliances régionales. Dans une région caractérisée par l’instabilité sécuritaire, la Mauritanie occupe une position de stabilité relative. Selon les participants, elle doit son succès dans la lutte contre le terrorisme domestique à une combinaison de renforcement des capacités militaires, de contrôles frontaliers – principalement avec le Mali –, d’initiatives régionales comme le G5 Sahel, et d’une approche théologique de déconstruction du narratif des extrémistes.
Certes, grâce à ces efforts, la Mauritanie est une pionnière de la stabilité dans la grande région du Sahel-Sahara, mais cette stabilité nationale reste fragile. Pour la préserver, la Mauritanie devrait renforcer ses mécanismes internes afin d’assurer la cohésion sociale et la sécurité intérieure. Les disparités dans le développement entre les régions menacent l’équilibre social. Selon les participants, il faut accélérer les réformes politiques, promouvoir une gouvernance inclusive en impliquant les jeunes, les femmes et les communautés locales, ainsi qu’adopter une stratégie de sécurité centrée sur les populations pour garantir la stabilité. Les participants ont souligné qu’il faudra consolider les énormes progrès en matière de gouvernance que la Mauritanie a réalisé ces dernières années, notamment par un financement accru des infrastructures sociales. En effet, l’afflux de victimes des traversées clandestines et de réfugiés maliens sédentarisés est de plus en plus considéré comme une préoccupation nationale et entraîne des tensions avec certains voisins. Une atténuation urgente de la crise perçue de la transmigration et de l’immigration ne peut être trouvée que dans le dialogue et la coopération avec les pays voisins.
« Laissez passer la tempête »
Face aux bouleversements géopolitiques régionaux et mondiaux, la Mauritanie a adopté une posture sobre et attentiste. L’avènement de l’AES, née sur les cendres du G5 Sahel, a été un tournant décisif dans les rapports entre les États et a contribué à l’affaiblissement des réponses collectives régionales. En raison de son succès dans la lutte contre le terrorisme intérieur et de sa position comme pont géographique et socioculturel entre le Sahel et le Sahara, la Mauritanie se considère comme un médiateur approprié et crédible pour les conflits dans la région élargie. Selon plusieurs participants elle reste, néanmoins, réservée quant à une offre de médiation offensive, mais se tient prête, dans la mesure où elle serait sollicitée, à jouer un rôle plus actif. Au regard des tensions inhérentes entre certains voisins du Sahel-Sahara, il est impératif d’activer une diplomatie d’apaisement. Les participants étaient convaincus que la Mauritanie avait d'importante leçon en matière de politique, de diplomatie et de stratégie militaire à offrir à ses voisins, tout en étant ouverte à l'apprentissage auprès de ses pairs. Cependant, les participants étaient clairs : les contrastes contextuels recommandent une grande prudence par rapport à une transposition des approches aux pays voisins.
De même, le recul de certains partenaires occidentaux et le rôle croissant d'autres acteurs internationaux dans la grande région ont impacté les approches politiques et militaires face aux menaces sécuritaires au Sahel-Sahara. Tout en reconnaissant l'influence des acteurs étrangers, les participants ont clairement indiqué que les efforts pour la stabilité de la région doivent demeurer entre les mains des acteurs régionaux. Pour cela, il est impératif d'accorder de l'importance aux solutions contextuelles et de recourir aux mécanismes traditionnels basés sur le dialogue, dans un effort de résolution des conflits et de prévention du terrorisme.
Profiter du bon moment pour l’évaluation et la réflexion
Les bouleversements géopolitiques régionaux et internationaux étaient perçus par les participants comme des opportunités d’évaluation et de réflexion sur les intérêts communs. L’élaboration collective d’une vision commune de la sécurité régionale doit être basée sur le dialogue. Cela suppose, en amont, un engagement clair des États et de leurs dirigeants à dépasser le climat de méfiance ambiant. Il faudra des efforts ciblés pour atténuer les tensions latentes existantes et renforcer l’effectivité des initiatives actuelles de coopérations. Avec son expérience de la lutte contre le terrorisme, sa diplomatie de « neutralité positive » et sa position géographique incontournable vis-à-vis du Sahel et du Sahara, la Mauritanie peut jouer un rôle décisif dans le renouvellement de la coopération régionale en matière de sécurité. Une vision commune de la sécurité dans la région doit tenir compte des réalités nationales ainsi que des relations avec les acteurs extérieurs. Finalement, de l’avis unanime des participants, la sécurité humaine constitue l’exigence essentielle pour parvenir à une stabilité régionale durable.
Friedrich-Ebert-Stiftung
Paix et Sécurité Centre de Compétence Afrique Subsaharienne
Villa Ebert
Avenue des Ambassadeurs
Fann Résidence
25516 Dakar-Fann
Sénégal